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Voici
quelques réflexions avec, pour point de départ, la question de
l'utilité de cette espèce d'écriture pratiquée, ici comme ailleurs, par
d'innombrables anonymes et parfaits inconnus, dont moi-même, dans le
cadre des nouvelles agoras électroniques appelées blogs (weblogs)
: même si les censures commencent à se faire plus insidieuses,
pressantes, on peut encore parler de liberté d'expression, du moins dans
nos pays dits démocratiques, où ce droit est ancré dans la
Constitution...
Les pays totalitaires n'accordent pas la liberté de parole à leurs
citoyens, qui doivent trouver d'autres moyens pour communiquer leur
opposition à l'ordre établi ou à l'idéologie dominante. Le dramaturge
Bertolt Brecht (1898-1956), qui a pourtant lui-même choisi un pays en voie de "totalitarisation" (la RDA) pour y finir ses jours, utilisa naguère l'expression de "langage d'esclaves" (Sklavensprache)
pour décrire une façon de coder les messages qui deviennent obscurs
pour le pouvoir tout en restant intelligibles pour les camarades.
Ce
codage et la nécessité de rendre en apparence inintelligibles les
messages subversifs ont produit et produisent encore un certain nombre
d’œuvres intéressantes (romans, théâtre, essais)...
Mais
qu'en est-il ici et maintenant, où l'on peut dire tout et son
contraire, tout et n'importe quoi, pourvu que l'on ne diffame personne,
que l'on n'appelle pas à la haine ou à la violence, et que l'on
s'exprime correctement ? Quel serait le message subversif, qu'il est -
ici et maintenant - permis d'exprimer en clair ?
Il
est en tout cas permis de penser ce paradoxe : nous vivons une sorte de
terrorisme économique, car depuis 40 ans (1973 très exactement) le
chômage ne cesse d'augmenter, les États sont pris dans l'étau d'une
dette et d'une crise sans doute (du moins en partie) artificielles qui
génèrent une réduction drastique des services publics et des avantages
sociaux conquis un siècle durant de haute lutte, nous vivons donc dans
une sorte de totalitarisme très nouveau ("ultra-moderne") où il est
pourtant possible de s'exprimer librement !
C'est
d'ailleurs le seul alibi qui reste à nos sociétés ultra-libérales pour
ne pas être taxées de totalitaires : la "liberté"...
Souvenez-vous
: quelle liberté que de circuler en voiture où bon vous semble... de
téléphoner à tout le monde d'un peu partout...
Or,
à la campagne la voiture est devenu une contrainte, puisque les petites
gares et lignes de bus ont été fermées les unes après les autres. Et le
téléphone mobile vous oblige, en bon professionnel que vous êtes (si
vous avez l'immense privilège d'avoir un job), d'être joignable
n'importe quand, n'importe où...
Mais,
demanderez-vous peut-être, quel rapport avec la liberté d'expression et
les blogs ? - Ma réponse provisoire serait celle-ci : devant l'énorme
masse de messages nés de cette liberté d'expression à l'ère de la
globalisation digitale (en français : "mondialisation numérique"), plus
personne - pas même les services à la pointe de la technologie - ne
saurait séparer l'important de l'accessoire, le grain de l'ivraie et
tout ce que vous voudrez. Autrement dit, dans ce chaos de paroles, dans
cette immense cacophonie planétaire, je vous défie de passer n'importe
quel message, qu'il soit d'ailleurs subversif ou tout simplement sensé,
si vous faites partie de ce milliard de scribouillards anonymes (et
probablement même si vous vous êtes "fait un nom"). Dans ce brouhaha
global, que les experts en communication surnomment le "bruit",
il ne serait tout simplement pas entendu : une façon très astucieuse de
réduire tout le monde au silence par une gigantesque overdose de parole
au nom de la liberté d'expression !