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mardi 9 novembre 2010

Jacques Lacan : "Télévison" (Benoît Jacquot, 1973)


Document de 1973, réalisation de Benoît Jacquot, interventions de Jacques-Alain Miller
"Je définis l’inconscient… c’est devenu, c’est devenu un petit bateau, enfin, je définis l’inconscient comme étant structuré comme un langage. Ce n’est évidemment pas ici que je m’en vais me mettre à en faire le commentaire. Il est certain que c’est à partir de là que commencent les questions. Comment le fait que ces sortes d’êtres qui ce langage l’habitent, comment est-ce que ça se fait que ce serait, à m’en croire n’est-ce pas, par le véhicule du langage qu’il se trouverait dans tout ce que découvre l’analyse à l’intérieur de ce fait, comment se fait-il que lui sont transmises, enfin, des conditions aussi dramatiques, c’est le cas de le dire n’est-ce pas, que le fait qu’il soit tellement dans la dépendance de tout ce qu’il a attendu dans le monde et tout spécialement au niveau bien sûr qui est celui dont il a reçu transmission de ce langage, de ce langage qui est celui que lui a parlé sa mère, comment à travers ça quelque chose d’aussi prévenant, je veux dire dominant n’est-ce pas, que le désir dont il est en somme le résultat, la conséquence, comment sa destinée entière peut-elle être marquée par cela ? C’est évidemment là que commence l’exploration, mais le mode d’alibis, enfin, plus ou moins prétentieux, enfin, désignés sous le terme d’affects alors que, à quelle occasion ont jamais pu se produire les dits affects, c’est à l’occasion de déclarations plus ou moins opportunes, enfin, c’est là que commence l’expérience analytique ; mais ne pas lui donner comme prémisse que c’est bien au niveau du langage qu’est le problème, me paraissait d’autant plus difficile de l’éviter qu’il ne s’agit pas là du tout d’une question théorique mais d’une question qui emporte tout l’efficace de la pratique analytique. (Jacques Lacan dans un entretien à la télévison belge, le 14 octobre 1972, que l'on peut retrouver sur ce site).

jeudi 6 mai 2010

Balibar, Badiou, Deguy et Nancy sur les attaques de Freud

Attaques sur Freud ou la philosophie au bulldozer

par ETIENNE BALIBAR, ALAIN BADIOU, MICHEL DEGUY, JEAN-LUC NANCY
(in "Libération", 3/05/2010, lien ci-dessous)


Ce qui nous gêne dans le récent assaut mené contre Freud n’est pas qu’on nous propose critique et discussion, tant historique que théorique. C’est plutôt qu’en vérité la charge massive et qui se veut accablante fait disparaître son objet même. «Freud», ce n’est ni simplement une vie, ni simplement une doctrine, ni simplement une éventuelle secrète contradiction des deux. Freud, c’est un travail de pensée, c’est un effort - particulièrement complexe, difficile, jamais assuré de ses résultats (moins sans doute que la grande majorité des penseurs, théoriciens, philosophes, comme on voudra les nommer) - et c’est un effort tel qu’il n’a pas cessé d’ouvrir, au-delà de Freud lui-même, un foisonnement de recherches dont les motifs ont été de très diverses manières de demander : «Au fond, de quoi s’agit-il ? Comment peut-on travailler plus avant cette immense friche ?»

Nous n’entrons pas ici dans le débat technique, historique, épistémologique. D’autres sont mieux qualifiés pour le faire. Ce que nous voulons dire est plus large. En effet, il en va de même pour Freud que pour Kant au gré de M.Onfray qui croit avoir hérité du marteau de Nietzsche (auquel d’ailleurs, heureusement, Nietzsche ne se réduit pas). On prélève, figé, ce qui sert la thèse et on ignore avec superbe tout ce qui chez l’auteur et après lui a déplacé, compliqué voire transformé la donne. Mais en vérité, c’est la philosophie tout entière qui est soumise à ce traitement. Faisant jouer un ressort bien connu, on dénonce la domination des «grands» et l’abaissement où ils ont tenu les «petits», vifs et joyeux trublions de l’austère célébration de l’«être», de la «vérité» et de toutes autres machines à brimer les corps et à favoriser les passions tristes. On sera donc hédoniste (un «isme» de plus, c’est peu prudent, mais on n’y prend pas garde) et on secouera d’un rire dionysiaque la raide ordonnance apollinienne de ce qui se donne comme «la» philosophie. Nietzsche, pourtant, est bien loin de seulement opposer Dionysos et Apollon : mais ici comme ailleurs, on ne va pas se compliquer les choses, il faut seulement frapper.

On ne veut rien savoir de ceci, que les philosophes n’ont jamais cessé d’interroger, de mettre en question, de déconstruire ou de remettre en jeu «la» philosophie elle-même. En vérité, la philosophie, loin d’être succession de quelques «vues» ou «systèmes», est toujours d’abord relance - et relance sans garantie - d’un questionnement sur elle-même. Cela s’atteste avec chaque «grande» pensée. C’est pourquoi il n’est jamais simplement possible de déclarer qu’on tient la vraie, la bonne «philosophie».

Encore moins est-il possible de réduire une œuvre de pensée à néant lorsqu’elle a fait ses preuves de fécondité - bien entendu, avec toutes les difficultés, incertitudes, apories ou défaillances que cette même fécondité fera déceler. Mais notre déglingueur n’en a cure : ce qui lui importe, c’est de dénoncer, de déboulonner et de danser gaiement sur les statues qu’il suppose effondrées. Comme il se doit, cela fait du bruit, cela attire les chalands et avec eux ce qu’on appelle les médias ravis de trouver du scandale aussi dans les imposantes demeures de la «pure pensée».

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Signalons par la même occasion les documents sonores (en français) de Jacques Lacan sur le site (anglophone) ubu.com, où l'on trouvera également le film Télévision (Benoît Jacquot, 1973, interview du "maître" menée par Jacques Alain Miller, son gendre).