mardi 10 novembre 2015

André Glucksmann (1937-2015)


Controverses du progrès : Cohn-Bendit - Glucksmann (France Culture avec Libération)

  Que reste-t-il des libéraux libertaires ?
André Glucksmann et Daniel Cohn-Bendit
Présentation de Max Armanet — Libération, 27 mai 2011


En plaçant la liberté et les désirs de l’individu comme centre de gravité de la société, les libéraux libertaires ont armé une bombe qui a grandement contribué à faire chuter le totalitarisme communiste en le délégitimant intellectuellement. Une gauche antitotalitaire décomplexée à l’égard du magistère marxiste-léniniste a pu émerger. Ce mouvement a aussi facilité l’évolution et l’ouverture de nos sociétés de l’après-guerre à la morale pesante. Cette éruption du primat de l’individu, de sa liberté d’entreprendre, se retrouve de manière positive dans les révolutions du monde arabe verrouillées jusqu’alors par le primat du collectif. Les slogans fameux «Il est interdit d’interdire» ou «jouir sans entrave», ont libéré d’autres forces qui se sont appuyées sur cette dynamique pour promouvoir planétairement celle du marché. Dérégulation ultralibérale, et financiarisation de l’économie se sont imposées comme nouvelles normes planétaires. La figure emblématique de ce phénomène est le trader et ses bonus faramineux. La morale de nos pères est jetée avec l’eau du bain dans cette course sans fin au profit et à l’accumulation avec pour conséquence la crise que nous vivons.

Militer pour une liberté radicale conduit-il inéluctablement à soutenir l’ultralibéralisme ? Cette fuite en avant vers un bien-être matérialisé semblait loin d’être l’objectif des mouvements contestataires éclos en Mai 68. Pourtant, n’ont-ils pas malgré eux favorisé la spéculation sans limite, la liberté absolue des salles de marché, à l’origine de la crise économique que nous traversons ? Les libéraux libertaires ne furent-ils pas, pour reprendre l’expression de Lénine, les «idiots utiles» de l’ultralibéralisme ? Quelle réflexion peut-on tirer de ce phénomène à la lumière de l’actualité, à l’heure de la crise financière et du retour en grâce de la régulation étatique ? Que reste-t-il de la pensée libérale libertaire ?

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