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DIETMAR KAMPER
Associations.
Sept thèses bannies sur l’art, la terreur et la civilisation.
Sept thèses bannies sur l’art, la terreur et la civilisation.
(à Paul Virilio)
Un
Vers la fin du 12ème siècle, en l’an 1164, Rachid al-din Sinan, le redoutable vieillard de la montagne, à la tête des Assassins, révéla à son disciple favori les paroles que son propre maître, Hassan i Sabbah II, avait littéralement expulsées dans la forteresse d’Alamut : lors d’une célébration publique, le maître jeta le Coran, qu’il avait étudié des années durant, proclama la fin de la Loi et annonça le règne millénaire de la Liberté. "Rien n’est vrai, tout est permis" : ce fut là le mot d’ordre, l’entrée irrévocable dans la critique de la civilisation, la première ligne du canon d’une future profession de foi des Frères et Sœurs de l’Esprit Libre (comme dit Greil Marcus). Le blasphème est une bombe à retardement du "mal" avec l’effet immédiat d'une prise de distance et discrimination de l’ensemble du monde civilisé, faisant des Assassins, ces mangeurs de haschisch inoffensifs, des "meurtriers" à temps plein, à temps historique, à temps universel. De l’autre côté, la fin proclamée de la Loi dans les religions universelles, Islam inclus, a donné naissance à des incohérences similaires. Hassan i Sabbah II fit décapiter tous ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas suivre le mot d’ordre, expédiant aussitôt les "affranchis" de la Loi dans une prison aux murs d’images de la liberté. Jamais depuis l'origine du monde, les hommes n’avaient été autant exposés à la contrainte et l'impitoyabilité d’un ciel vide.