mardi 17 novembre 2015

Entretien avec Jacques Bouveresse (2011)

 Notice

Étant donnés les événements actuels, je me permets de reproduire ici l'intégralité d'un entretien avec le philosophe Jacques Bouveresse sur la religion dont voici la référence électronique :

Jacques Bouveresse et Yann Schmitt, « Entretien avec Jacques Bouveresse », ThéoRèmes [En ligne], 1 | 2011, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 16 novembre 2015. URL : http://theoremes.revues.org/223 ; DOI : 10.4000/theoremes.223 | HTML | PDF

Également sur philochat : Jacques Bouveresse : Les Intellectuels et les médias

Jacques Bouveresse et Yann Schmitt

Entretien à propos de
Que peut-on faire de la religion ?


 
YS : Quelles sont, à vos yeux, les tâches d'un philosophe en ce qui concerne les religions ? Peut-être que cette question en sous-entend une autre. Quelles sont les "choses" à ne pas faire pour un philosophe, en ce qui concerne l'étude des religions ?

JB : Pour être tout à fait franc, je ne suis pas certain d’être très bien placé pour répondre à cette question et je n’ai pas non plus essayé de le faire dans le livre dont nous parlons, ne serait-ce que parce que, à la différence de Roger Pouivet1, je n’ai ni une connaissance suffisamment précise et étendue de l’état présent de la philosophie de la religion ni un intérêt suffisant pour elle. Dans Que peut-on faire de la religion ?, je me suis intéressé essentiellement au cas de deux philosophes contemporains de premier plan (Russell et Wittgenstein), dont l’analyse de la religion me donne l’impression d’avoir illustré de façon presque exemplaire une opposition tout à fait traditionnelle, que Leibniz caractérisait comme étant celle de la lumière et de la chaleur, autrement dit, celle de la religion comme source de connaissance supposée (mais malheureusement illusoire, selon Russell) et de la religion comme objet de ferveur et d’amour. Dans Peut-on ne pas croire ?, j’avais fait remarquer que le problème qui s’est posé à des gens comme Lacordaire, Lamennais, Gratry, etc., était : « Le christianisme peut-il être modernisé (de façon à être rendu compatible avec la modernité scientifique, culturelle, politique, sociale, etc.) ? », alors que nous sommes confrontés, pour notre part, depuis un certain temps déjà à la question : « Le christianisme peut-il se postmoderniser ? » La réponse que je suis tenté de donner à la deuxième question (et je crois comprendre que Roger Pouivet, qui connaît beaucoup mieux que moi la situation réelle et l’état d’esprit du croyant d’aujourd’hui, est foncièrement du même avis que moi) est que le christianisme a déjà accepté largement et de façon plutôt inquiétante (tout au moins pour ceux qui se préoccupent de son intégrité et de sa survie) les évidences postmodernes. La conséquence qui semble résulter de cela est que, pour le croyant lui-même, des notions comme celle de vérité de la croyance (et de vérité en général), celle de raisons de la vérité et peut-être également, pour finir, tout simplement celle de croyance elle-même sont en train de perdre à peu près toute importance réelle. Puisque vous me demandez ce que je n’aime pas voir faire ou entendre dire par les philosophes en matière d’étude des religions, je serais tenté de vous répondre, et cela ne vous surprendra sans doute pas, que c’est ce que font généralement les postmodernes qui, pour parler le langage de Leibniz, abandonnent sans regret l’idée de la religion comme lumière sans rien retenir non plus de la chaleur et tiennent un discours que je qualifierais de « froid » sur quelque chose qui ne me semble avoir que des rapports assez lointains avec ce que j’appellerais, pour ma part, la religion. A partir du moment où défendre la religion cesse de vouloir dire défendre sa vérité, il vaudrait mieux être plus précis qu’on ne l’est généralement sur ce que l’on continue à défendre au juste et éviter de donner l’impression que cela pourrait bien n’être pas grand-chose de plus, en fin de compte, que l’utilité ou la nécessité psychologique et sociale de la croyance religieuse. Il faut dire que, si, comme cela a été mon cas, on abandonne la religion pour des raisons qui sont du même genre que celles de Renan (l’impossibilité de croire que ce qu’elle affirme est vrai), il ne reste, pour quelqu’un qui a conscience d’être resté malgré tout, à certains égards, religieux (c’était le cas, comme je l’ai indiqué, de Russell lui-même), plus guère de véritablement religieux qu’une dimension que l’on peut désigner en gros comme étant celle de la chaleur et de l’amour. Je pense que, si Leibniz considérait les dévots actuels et les penseurs postmodernes auxquels ils se réfèrent la plupart du temps quand il est question de la nature et de la justification de la croyance religieuse, il déplorerait plus que jamais le fait qu’ils semblent manquer encore plus qu’auparavant aussi bien de lumière que de chaleur.

mardi 10 novembre 2015

André Glucksmann (1937-2015)


Controverses du progrès : Cohn-Bendit - Glucksmann (France Culture avec Libération)

  Que reste-t-il des libéraux libertaires ?
André Glucksmann et Daniel Cohn-Bendit
Présentation de Max Armanet — Libération, 27 mai 2011


En plaçant la liberté et les désirs de l’individu comme centre de gravité de la société, les libéraux libertaires ont armé une bombe qui a grandement contribué à faire chuter le totalitarisme communiste en le délégitimant intellectuellement. Une gauche antitotalitaire décomplexée à l’égard du magistère marxiste-léniniste a pu émerger. Ce mouvement a aussi facilité l’évolution et l’ouverture de nos sociétés de l’après-guerre à la morale pesante. Cette éruption du primat de l’individu, de sa liberté d’entreprendre, se retrouve de manière positive dans les révolutions du monde arabe verrouillées jusqu’alors par le primat du collectif. Les slogans fameux «Il est interdit d’interdire» ou «jouir sans entrave», ont libéré d’autres forces qui se sont appuyées sur cette dynamique pour promouvoir planétairement celle du marché. Dérégulation ultralibérale, et financiarisation de l’économie se sont imposées comme nouvelles normes planétaires. La figure emblématique de ce phénomène est le trader et ses bonus faramineux. La morale de nos pères est jetée avec l’eau du bain dans cette course sans fin au profit et à l’accumulation avec pour conséquence la crise que nous vivons.

Militer pour une liberté radicale conduit-il inéluctablement à soutenir l’ultralibéralisme ? Cette fuite en avant vers un bien-être matérialisé semblait loin d’être l’objectif des mouvements contestataires éclos en Mai 68. Pourtant, n’ont-ils pas malgré eux favorisé la spéculation sans limite, la liberté absolue des salles de marché, à l’origine de la crise économique que nous traversons ? Les libéraux libertaires ne furent-ils pas, pour reprendre l’expression de Lénine, les «idiots utiles» de l’ultralibéralisme ? Quelle réflexion peut-on tirer de ce phénomène à la lumière de l’actualité, à l’heure de la crise financière et du retour en grâce de la régulation étatique ? Que reste-t-il de la pensée libérale libertaire ?

dimanche 8 novembre 2015

René Girard (1923-2015)



 L'ANTHROPOLOGIE

 Notice de KTO

Différentes anthropologies se rencontrent dans notre société : elles sous-tendent nos comportements et nos réflexions. Avec la participation de Maurice Godelier, anthropologue, P. Alain Mattheeuws, professeur de théologie morale à l'IET de Bruxelles ; Jean Vanier, fondateur de l'Arche ; René Girard, professeur émérite de littérature comparée à l'université Stanford et à l'université Duke. Extraits du colloque organisé le 22 novembre 2008 au Collège des Bernardins.  [Émission du 17/02/2009]