mardi 25 mai 2010

Jacques Bouveresse : Noam Chomsky et ses calomniateurs

A ceux qui l’accusaient de se comporter, envers son pays, comme « l’oiseau qui salit son propre nid », Karl Kraus a répondu qu’on peut très bien, dans certaines circonstances, se sentir au contraire sali par son propre nid et éprouver le besoin légitime de le rendre, si possible, un peu plus propre ; ce qui a eu pour conséquence qu’il s’est « attiré la haine des gens sales à un degré qui pourrait être sans égal dans l’histoire de la vie intellectuelle ».

C’est, à bien des égards, dans une situation tout à fait semblable que se trouve aujourd’hui Noam Chomsky. Aux yeux d’une bonne partie du monde intellectuel, qui s’accommode, somme toute, assez bien de la saleté qu’il dénonce, il est, lui aussi, l’oiseau dont l’activité principale consiste à souiller le ou les nids dont il est matériellement, et devrait être spirituellement, un occupant : en premier lieu, bien entendu, les Etats-Unis, mais également l’Europe, les démocraties occidentales en général, l’Etat d’Israël, les élites intellectuelles, le monde scientifique, l’université, le système d’enseignement, etc.

Celui qui, comme c’était déjà le cas de Kraus, pense et agit en fonction de l’idée qu’un intellectuel doit balayer d’abord devant la porte de son propre pays, en espérant que les autres feront la même chose de leur côté, peut être pratiquement certain de se heurter à la protestation violente de gens qui réagissent à peu près comme si cela revenait ipso facto à affirmer que la vérité, le bon droit et la justice se trouvent toujours entièrement du côté de l’ennemi.

3 commentaires:

  1. Lors de sa venue en France, ce qui aurait eu à dire d'intéressant sur le "mindcontrôle" médiatique n'a pas réellement pu s'exprimer.

    j'ai le sentiment que les médias soit disant alternatifs qui l'on accueillis se sont focalisés sur du secondaire. Les questions de Taddei en sont un bon exemple (ressortir le coup de la préface c'est juste typique).

    En fait les médias de contre-pouvoirs en France ne sont pas des médias de contre-pouvoir. se sont des médias "d'opposition".
    Aussi entre un Finkelkroute et une BHL il n'y a pas grande différence : Pas plus qu'entre un républicain et un démocrate.

    Je comprends aussi qu'il ne s'en mêle pas : il a sassez à faire avec les Etats Unis.
    Par contre, nous qui pouvons changer les choses en France... que faire ?

    Je critique mais laisse ouverte ma réflexion sur deux ou trois points :
    - n'eut été possible lui faire rencontrer Eva Joly, par exemple. Ou même Dieudonné, dans un autre genre.... Ah non pas lui, ça aurait relancé 25 ans de Polémique.
    - ne peut-on désormais lui faire causer des solutions plutôt que des problèmes ?
    - Il représente le fer-de-lance d'un message, mais le rôle des médias "alternatifs" ne serait-il pas de profiter de son audience pour lui faire amener d'autres activistes sur le devant de la scène (c'est chose faite dans les films qui lui sont consacrés, certes)?

    Enfin... dans une émission inter-textuelle sur sa venue, deux personnes proches de lui semblaient ne pas se souvenir, ou ne pas comprendre, pourquoi l'élite était "plus" formatée encore que la masse.

    La réponse est pourtant simple, voire doublement simple :

    - la classe moyenne, la "bourgeoise", a un rôle Validant, autrement dit un rôle Moral. Il faut donc faire rêver ce groupe plus que tout autre : Ainsi, en matière d'éducation, le jeu consiste le perdre dans des asymptotes complexes à calculer, de manière à ce qu'il oubli que c'est la trajectoire d'un Obus qu'il est en train de dessiner....

    - En outre, ce groupe, qui représente dans les 20% de la population, a pour objet de maintenir son rang et donc laisser les 80% du peuple dans l'ignorance.
    Ce groupe est le groupe qui est à l'origine de toutes les révolutions. Ce qui tendrait à dire qu'il peut réveiller le peuple, ou plutôt cesser de l'endormir.
    Mais il ne le fait que par intérêt. Il ne "veut" donc que le contrôler.
    Ce groupe hypothèque la liberté du peuple contre son confort Bourgeois.

    Fritz Zorn écrivait, sur son lit de mort :
    La seule valeur de la bourgeoise, c'est la tranquilité.
    Le "la seule" dis tout.

    bon en gros ce que je voulais dire c'est :
    On vous aime !

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  2. @chris.tool --- merci pour ce comment. le problème, en France et en Europe, c'est que nous avons perdu nos "grands intellectuels", Bouveresse aborde le sujet (http://www.monde-diplomatique.fr/2006/05/BOUVERESSE/13428). Vrai que la plupart sont (étaient) d'origine "bourgeoise", Bourdieu ne l'était pas, Bouveresse non plus ne l'est pas. Mais l'exemple de l'intellectuel sympathique d'origine modeste, qui revendique à longueuer d'antenne le métier de sa mère (M. Onfray) ne me convainc pas beaucoup, son attaque contre Freud par exemple n'apportait rien à l'histoire des idées, ou à la "Révolution" ou à quoi que ce soit (excepté à son portefeuille et, comme dirait Marx, c'est l'être (la pratique) qui domine la conscience (et non une origine9. Ceci dit, une "Université populaire", c'est bien... c'est la médiatisation qui corrompt la plupart des hommes (Fink., BHL, Onfray et tant d'autres). Cioran, Beckett et queques rares autres ont toujours refusé d'aller à la TV, ils savaient ce qu'ils faisaient...
    Pas de réflexion profonde, simplement une réaction ad lib à votre comment. Vale...

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  3. Merci de ta ré(d)action, ça fait toujours plaisir de voire qu'on pisse pas dans des violons^^

    et donc, toujours à propos de la critique de Noam sur les "grand Intellectuels".

    ------

    Les "grands intellectuels" n'existent plus ? pourquoi ?
    L'époque d'un Porte Voix de l'intelligence est à mon avis révolue.

    Je ne dis pas ça à Charge.
    Je ne dis pas ça de façon nihiliste non plus.

    c'est le résultat d'un mécanisme.

    Le pays laïc a cherché, dans ses "grands intellectuels" des "sages". Des "guides".
    Il se trouve que depuis un certain temps, ça a été compris, et decripté.
    Aussi ceux qui se destinent à faire ce genre de métier, le font pour "le poste".
    C'est devenu une "institution". j'entends pas là une hiérarchie.

    Et ceux qui ne le font pas dans cet état d'esprit on les découvre après leur mort, comme les poètes du XIX siècle, ou comme les écrivains russes sous la domination stalinienne (Krzyzanowski par exemple).

    Notre "monnaiecratie" ne laissera pas passer ses ennemis, tout comme le communisme ou les rois.

    Le jeu médiatique, allié au jeu du "conseillé d'état", a ravalé ce rôle de "grand intellectuel" a celui de Colbert (Attali).

    Je crois que nous sommes dans une situation de "blocage". La "volonté de pouvoir" du système empêche l'iceberg de remonter à la surface...


    Et quand bien même Noam Chomsky serait un produit, (on en est conscient) pour avoir une telle qualité de produit, en France, on devra attendre encore 20 ans.

    Désolé de faire si péremptoire et si court.

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