On s’apercevra d’une obsession majeure dans la pensée philosophique en France, qui tient en un seul nom propre : Heidegger ! La pensée française du 20e Siècle a pourtant été l’une des plus fécondes que l’on puisse imaginer (on nous dispensera de name dropping) : pourquoi alors s’en référer – sans toujours comprendre l’original – à un philosophe dont tout semble indiquer qu’il a accueilli favorablement l’avènement de l’un des régimes politiques les plus meurtriers de l’histoire ? A-t-on essayé de comparer, si possible dans le texte, les idées exprimées dans “Was ist Metaphysik?” (1929) – une sorte de condensé de son œuvre majeure “Sein und Zeit” (1927) – avec le tristement célèbre “Discours du rectorat” (1933) ? Etudié les relations qu’entretenait le “disciple” avec son maître Husserl pendant le fascisme ? La rature de la dédicace de Sein und Zeit en est le symbole et le symptôme. – Il y a eu le livre de Victor Farias (Heidegger et le nazisme, Verdier 1987, réédité en Livre de Poche, cf. notamment pp. 150 et ssq.). Mais il y a surtout eu Auschwitz, et le livre marquant du survivant Primo Levi, Si c’est un homme (Si questo è un uomo, 1947). Comment un philosophe qui – en 1933 ex cathedra – prône le “Führerprinzip” – où le ralliement à la nouvelle “idéologie allemande” n’est que trop évidente – a-t-il pu se taire lorsque les atrocités commises ont été connues du monde entier ? Comment est-ce possible de laisser – par le silence – subsister le doute ? – “Je me suis trompé, je ne savais pas !” Voilà ce que l’on était en droit d’attendre d’un homme public qui s’était pour le moins compromis avec le régime. Mais il n’y a rien eu. Nichts. – Interdit d’enseignement par les autorités en charge de la “dénazification” en Allemagne, il fut accueilli à bras ouverts en France où l’on digérait, tant bien que mal, l’Occupation et ses ambiguïtés. C’est cette réception positive de Heidegger (mais aussi de Jünger) au pays de Gobineau, Maurras et Barrès, qu’il faudrait interroger. [...]
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Merci pour le lien. Pour réagir à votre article, je voudrais préciser certaines choses. Concernant "l'obsession majeure", la question est de savoir pourquoi Heidegger occupe une telle place et ce qu'elle signifie. De quoi Heidegger est-il le nom ? Quelque soit l'interprétation à laquelle on se range en ce qui concerne la période du Rectorat, l'importance et la portée de l'œuvre de Heidegger me semblent incontestables. En ce sens, à travers Heidegger, c'est moins un homme qu'une pensée qui n'a cessé d'interroger la philosophie et l'histoire de la Métaphysique qui est "l'obsession majeure" de certains articles. Après tout, c'est bien le moins pour des articles philosophiques.
RépondreSupprimerConcernant le sempiternel procès en sorcellerie que certains se plaisent à lui faire, on devrait commencer par s'éloigner de toute hostilité lorsqu'il est question d'interpréter et de comprendre ce qui s'est effectivement passé. Il n'est pas, évidemment, pas question d'apologie, mais l'hostilité est, envers Heidegger comme envers n'importe qui d'autre, la pire manière de parvenir à comprendre quoique ce soit. Il me semble surtout que la réflexion (si c'est bien de cela qu'il s'agit et non pas de procès et d'incriminations) gagnerait à poser des questions au lieu de statuer de manière précipitée : Comment un penseur qui a à ce point remis en cause la métaphysique dont le nazisme est issu et dont il était porteur a-t-il bien pu s'engager comme il le fît ? Quel est la nature et le sens de son engagement ? À quoi Heidegger s'est-il au juste engagé ? Pour quelles raisons et dans quels buts ? "Engagement" signifie-t-il la même chose qu'"adhésion" ? Cette remise en cause de la métaphysique n'interdit-elle pas de porter nombres d'accusations à son encontre (au premier chef la ridicule accusation d'antisémitisme qui implique que l'on se situe dans une perspective raciale qui était absolument étrangère à Heidegger) ? N'est-il pas périlleux de juger avec une telle témérité de la lucidité de penseurs, et d'hommes, de l'importance de Beaufret ou de Granel ? Heidegger est-il vraiment resté silencieux ? Si l'on persiste à parler d'un "silence" en dépit des 19 cours de la période 1993-1944, quel sens ce silence a-t-il ? Est-il si sûr qu'il soit juste de l'interpréter comme une pièce à charge ? On pourrait, on devrait, allonger la liste de ces questions, et on devrait surtout commencer par se les poser. Vraiment.
Je vais la faire courte - car je n'ai n'éprouve ni l'envie, ni la nécessité de "plaider" pour Heidegger, encore moins celles de répondre à allégations d'un énergumène tel que Faye. Je me contente de renvoyer à la lecture du recueil Heidegger, à plus forte raison et de l'ouvrage de François Fédier, Entendre Heidegger et autres exercices d'écoute, ainsi qu'à celle de l'Apologie de Socrate. Sans parler, bien entendu, de l'ensemble de l'œuvre de Heidegger.
RépondreSupprimerPitoyable, ce procés rengaine sur Heidegger , cela évite aux médiocres à se colleter directement à une percée inouïe de la pensée .Remercions Heidegger pour ce silence et son retrait hors de ce monde chaotique qui lui permit de nous livrer cette oeuvre libératrice immense
RépondreSupprimerEt Heidegger vous remercie de ce soutien. Précisez votre pensée et nous pourrons dialoguer, ne publiez pas des trucs sans doute en-dessous de votre niveau.
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